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L’Œil Rouge du Dragon
24 mars 2009

Chapitre V

Quand la troupe de Garouhane est conviée à un banquet dans la fabuleuse clairière du roi Boniface. Entrevue inquiétante dans une sombre caverne. Depuis d’innombrables heures et des jours peut-être, Athis, Avanna, Boucq-Meter, l'ébènien et son dragon s’étaient égarés dans les volutes d’un brouillard froid et épais. Par ailleurs, dès lors que leurs besaces furent dépouillées par de mystérieuses créatures, une fatigue pernicieuse les avait accablés. Mais voici, tandis que de sombres égarements les menaient à penser qu’ils erreraient à jamais en dehors des sentiers de la fabuleuse forêt, ils firent brusquement irruption en un lieu magnifié d'un enchantement naturel. Les arbres qui isolaient la clairière de la forêt possédaient un tronc à l’écorce blanche, et des feuilles semblables à de petits écus d’or. Entendez les oiseaux chanter ! Et des petits rongeurs gambadaient dans l’herbe veloutée, et parsemée de pâquerettes roses, rouges et violettes. D’agréables parfums embaumaient l’air de cette période tardive de la journée ; la voûte céleste était une palette bleue à l’est, et orangée vers l’ouest. Voyez les lunes phosphorescentes telles deux gigantesques assiettes ! Et voici cinq gros papillons de nuit s’envoler allégrement quand les voyageurs levèrent les yeux au ciel. Ce fut par ailleurs à cet instant qu’ils réalisèrent combien leur marche interminable avait été éprouvante, et méritaient de se reposer. « Nous resterons ici pour passer la nuit, commanda le Premier. – N’est-ce pas curieux que cette partie de la forêt ne soit pas envahie par tout ce…toute cette…enfin, derrière nous ? s’inquiéta l'ébènien. – Profitons de l’éveil des jumelles pour établir notre campement », reprit Boucq-Meter sans prêter attention au maître-au-dragon. Plus tard, tandis que ces derniers rôtissaient un gibier chassé par Avanna, Athis et l’apprentie sorcière conversaient à l’écart de leur bivouac. « Regarde ces fleurs. Toutes ensemble forment des motifs, observa l’épéiste en s’accroupissant. – Je n’en avais jamais vu de telles auparavant, fit son amie en se penchant au-dessus de lui. Je me demande ce qu’elles sont, dit-elle en cueillant une fleur violette et blanche. – L'ébènien n'a pas tort. Qui sait ? Nous pourrions être sur le territoire de quelque créature aux mauvaises intentions. – La marche a été longue et la nuit tombe. Mangeons, dormons afin que demain, dès le lever du soleil, nous partions reprendre notre chemin », le raisonna Avanna en mettant la fleur dans ses cheveux. Depuis, la viande grillée avait agrémenté l’atmosphère d’une odeur de convivialité. La fortune avait voulu que le maître-au-dragon trouve des plantes aromatiques qui poussaient dans la clairière, et que Boucq-Meter découvre également des légumes sauvages ; et tous deux en avaient composé leur maigre dîner. Toutefois, malgré l’heureuse aubaine, Athis demeura inquiet durant toute la soirée. Plus tard, couché sur le tapis fleuri de la mystérieuse clairière, le jeune homme tentait de s’endormir, et une faim irrépressible lui dévorait le ventre. Près de lui, son frère grognait également. Mais bientôt, Athis sentit une odeur familière, comme celle d’un ragoût de sa mère. Les lunes éclairaient un ciel sans étoiles quand il devina, à la manière d’un rêve du Monde, plusieurs voix sur un fond musical. Alors il se redressa, cerné par la lugubre forêt, et fut témoin d’une fantastique, et redoutable, apparition. Parce qu’ils foulèrent les terres du Monde avant l’Homme, les lutins les méprisaient. Rares étaient les textes qui les concernaient, mais ceux-là mentionnaient toujours leur petite taille, et leur bonnet pointu dont ils ne se séparaient jamais. Seul l'unique et épais sourcil qui couvrait leurs yeux était la manifestation de leur pilosité. Et leurs oreilles pointues et longues étaient capables, jusque dans les entrailles du Monde, d’entendre les démons des Âges Premiers. Mais c’était toutefois leurs nombreuses dents acérées qui donnaient à leur sourire son expression de méchanceté. Expression qui contrastait avec leur bonhomie naturelle, et leur ventre volumineux qu’ils prenaient plaisir d’arborer. Néanmoins, cette apparence manifestait les désirs refoulés du petit peuple des forêts… A présent, de nombreuses petites huttes avaient surgi de terre. Suspendus aux arbres qui délimitaient la clairière, des lampions créaient une atmosphère de fête champêtre. L'ébènien ne tarda pas à se redresser également. Emerveillé aux côtés de l'épéiste effrayé, tous deux observèrent les petits êtres qui les ignoraient. Plus loin devant eux, un énorme banquet se préparait où divers musiciens se laissaient aller selon leur inspiration. Et près de torches flamboyantes, sur des braises crépitantes rôtissaient plusieurs pièces de gibier. Les fumets allaient à la guise du vent qui caressait tendrement la clairière. Ce fut certainement pour cela que Boucq-Meter se réveilla en sursautant. L’odeur lui avait chatouillé le nez, et un gros appétit avait alimenté sa faim frustrée. Instinctivement, Athis lui conseilla de rester discret. Maintenant, partout dans la clairière, des lutins se matérialisaient bruyamment. Certains naissaient dans un parterre de fleurs quand d’autres préféraient les branches des arbres. Il en eut un qui apparut sur les jambes d’Athis. Mais, conscient du danger qu’ils encourraient, ce dernier garda son sang-froid et ne broncha pas. Ainsi le lutin s’en fut tranquillement, sans se soucier des jeune gens. Cependant, l’un d’eux apparut sur Avanna endormie qui hurla brusquement en agitant les jambes et les bras. Et alors, une douzaine de lutins cessèrent leur activité pour former une ronde autour de l’apprentie sorcière, et se mettre à chanter : « Fraîche telle la rosée, belle comme une fleur, Fuyant la forêt et ses visions d'horreur, Elle s'est arrêtée, en quête de bonheur. Mais qui l'a invité à venir à cette heure ? demandèrent-ils aux autres lutins de la clairière qui les regardaient danser. -– Est-ce toi ? reprit en chantant l’un de ceux là. – Est-ce toi ? enchaîna un autre qui se tenait près du feu. – Est-ce toi ? répéta un dernier qui parut étonné. – Mais qui est-ce alors ? reprirent en chœur les lutins de la ronde. – Est-ce toi ? Est-ce toi ? Est-ce moi ? Mais non ! » s’exclama la clairière toute entière. Mais à ce moment, les tambours tremblèrent sombrement, et les violons se firent plus grinçants. Soudain l’ambiance de fête sombra dans un crépuscule sinistre quand des lutins s’approchèrent d’Athis, de l'ébènien et de Boucq-Meter. Et ce ne furent pas les « Qui est-ce ? Qui est-ce ? Qui est-ce ? » qu’ils psalmodièrent sur le rythme impie de leur musique, qui rassurèrent les jeunes gens quant à leurs intentions. Les lutins formèrent une nouvelle ronde autours des trois compagnons, et les deux troupes se mirent à danser. « A l'heure du repas, le roi n'affectionne pas D'être dérangé par plusieurs étrangers. Vous semblez avoir faim, et cela tombe bien, Jusqu'à demain matin, de belles miches de pain Accompagneront, ce que nous offrirons. Mangez ! Mangez ! Terminez vos plats ! firent-ils la voix emplie d’une menace latente. – Craignez notre roi !» reprirent en chœur les lutins de la clairière. Et ainsi, sur cette dernière rime, les infortunés voyageurs furent conduits vers la grande table près des bûchers. De son fauteuil tressé dans les branches d’un arbrisseau à l’écorce blanche, le roi des lutins regardait ses invités en fronçant son broussailleux sourcil. Ses vêtements, taillés avec goût dans un tissu violet pâle, laissaient apparaître son ventre de taille conséquente, et le bonnet d’un vert jade exquis qui le coiffait s’achevait par trois pics courbés. Il sourit à l’ébènien lorsqu'il remarqua que ce denier l'observait à la dérobée, et découvrit deux rangées de petites dents pointues et dorées. « Un lutin qui se respecte, ne peut supporter à ses côtés, un estomac qui puisse être affamé, fit-il alors avec cérémonie. Cependant, nous, roi Boniface, ne pouvons tolérer de voir vos pas et corps, saccager nos splendides jardins. Ainsi, vous aurez autant de plats que de fleurs écrasées, il est dit ! Et tâcher de tout terminer. Aimerions-nous être contrarié ? demanda Boniface en s'adressant à ses sujets. – Non, il n’est pas beau de voir le roi courroucé ! » répondirent-ils tous terrifiés. Alors le roi fixa Athis dans les yeux, et il sembla au jeune homme que, autour de son fauteuil, tout s’assombrissait comme s’il absorbait la lumière et les couleurs. Et voici que de toutes les huttes, sortirent des lutins portant à bout de bras, de lourds plateaux. Ainsi, ils posèrent sur la table des plats mijotés, de grosses pièces de viandes rôties et grillées, des légumes frais et dodus, de même que des fruits aux formes incongrues. Et des tonneaux de vins, d’énormes miches de pain, des seaux de bière ambrée, et des beignets dorés. Voici la clairière rapidement parfumée des fumets du banquet, et aucun des voyageurs ne put s’empêcher de saliver. « Nous sommes invités, mangeons ! » s’exclama Boucq-Meter qui, voyant l’entrain avec lequel son frère mordit dans un morceau de fromage, se régala en claquant sa langue contre son palais lorsque ses dents actives le lui permettaient. L’ébènien qui savourait également de délicieux plats mitonnés, leur servit de nombreuses chopes de vin. Et lui aussi contenta avec soulagement, l’appétit qui le démangeait. Maintenant, le roi mangeait, buvait et chantait en compagnie de ses sujets attablés. Tandis que certains jouaient une musique entraînante, d’autres continuaient d’amener des plateaux qu’ils déposaient sur la table. Athis cherchait désespéramment une solution pour faire disparaître la nourriture cependant qu’elle s’amoncelait. Il observa Avanna tentée par des beignets, tandis que Boucq-Meter continuait inconsciemment de manger. Il vit soudain l’ébènien se lever discrètement, et se diriger nonchalamment vers leurs affaires. Celui-ci revint rapidement avec sa besace, et jeta à l’intérieur, saucisson, viande séchée, petits pains et lard… « Mais bien sûr ! » pesta Athis intérieurement. Le roi Boniface se mit à ricaner. « Prends garde à tes actes, ou cela te perdra. Et il se pourrait que la fin que tu souhaites ne soit pas celle que tu crois…» dit-il au maître-au-dragon, depuis le bout de la table. Mais parce que Boniface ne vit aucun inconvénient qu'ils fissent de son repas leurs provisions, les trois autres imitèrent l’ébènien. Toutefois, un problème demeura quand panses et sacs furent pleins, le banquet avait à peine été entamé. L'ébènien jeta discrètement un bout de viande à son dragonnet qui dormait en retrait. Celui-ci l’engloutit d’un trait, et se recoucha dans l’herbe, la tête entre les pattes. Son maître lui envoya peu de temps plus tard, un gros morceau de volaille qu’il goba également... À présent, Boucq-Meter qui avait un gros appétit commençait à être essoufflé. Athis, quant à lui, tassait le plus de nourriture possible dans ses poches. Croquant dans un morceau de pain, il observait le maître-au-dragon assis plus loin. Lui aussi mangeait comme il pouvait, mais il devina sur son visage, des traits inquiets. « Il va vomir » prédit l’épéiste quand soudain, il le vit sourire. Derrière lui, Ilim-Wàl se dressa dans un terrible rugissement qui couvrit la musique de la clairière. À la lumière de lampions de fête champêtre, la peau du dragonnet se déchira du bout de sa queue jusque sur le haut de sa tête. Et dans une épouvantable confusion, les lutins détalèrent en poussant des cris de panique. Seul le roi Boniface, resté dans son fauteuil, riait aux éclats. À présent, une odeur révoltante s’échappait des multiples peaux mortes d’où était sorti un dragon terrible et imposant. L’estomac d’Avanna fut pris de convulsions, et malgré elle, l'apprentie sorcière vomit parmi les restes du repas. Maintenant, le roi s’esclaffait tandis qu’Ilim-Wàl engloutissait ce qui se trouvait sur la grande table. Lorsqu’il eut terminé, le dragon repu se retira pour s’allonger entre les huttes. Et les lutins affolés, revinrent alors vers leur roi. « Vous prendrez bien un petit digestif, n’est-ce pas ? » proposa Boniface à ses invités. Mais voici que par leur mine fermée, les voyageurs signifièrent leur intention de refuser. Libérés d’un piège, ils préféraient tenter leur chance dans la forêt. Le roi des lutins fut momentanément interloqué, mais la colère ne tarda pas à assombrir le haut de son visage. « Vous n’oseriez pas ? Votre bête a mis notre clairière dans un piteux état ! C’est une sommation, il est dit ! » s’écria-t-il en fronçant son gros sourcil. Ainsi, après qu’ils eurent redonné à leur village sa splendeur perturbée, quatre lutins emmenèrent les voyageurs infortunés dans le fond de la clairière. Là, se trouvait un lugubre chapiteau. Des branches d’arbres épouvantables le soutenaient, et la brume grisâtre de la forêt l'enveloppait. « Pourquoi ne fuyons-nous pas ? chuchota le maître-au-dragon à Athis. – Ici nous ne pouvons rien faire », lui répondit-il alors qu’ils pénétraient sous l’immense tente, guidés par le roi et ses sujets. A l’intérieur, des torches plantées à terre prodiguaient une ambiance de cérémonie. On fit également entrer le dragonnet au ventre gonflé, tandis qu’on les installait sur de hauts bancs de bois disposés face à une table. « Restez-là ! » ordonna alors le roi avant de sortir en laissant deux gardes à l’entrée, qui toisèrent le dragon avec méfiance. « Sur leur territoire, jusqu’à ce que le soleil apparaisse, nous sommes à leur merci, dit alors l’épéiste. – Sont-ils aussi redoutables que cela ? demanda le maître-au-dragon – Ce qui est ici est sous leur contrôle, intervint alors Avanna. C’est pourquoi nous n’avons rien vu. Tout est apparu en même temps qu’eux. C’est bien plus que de la… – Ils viennent », les coupa Athis. Le roi Boniface revint, satisfait de porter le plateau qu’il tenait à bout de bras. Une carafe raffinée aux courbes élancées, contenant un liquide foncé, y était posée ainsi que plusieurs petits verres. Le roi déposa le plateau sur la table, à côté d’Athis, et trottina à son extrémité pour revenir s’asseoir sur une chaise haute face à l’épéiste. Plusieurs lutins entrèrent sous le chapiteau avec une gamelle lourde et pleine du même breuvage que la carafe. Ils s’en allèrent pouffant sous l’effort, la porter près du museau ronflant du dragon endormi. Le roi claqua dans ses doigts, l’un de ses sujets apparut sur la table, et servit la mystérieuse boisson. La voici chaude, et son parfum inspirait de douces pensées ! Lorsqu’il eut servi tout le monde, le lutin disparut en emportant carafe et plateau. Et Boniface réjoui, se leva sur sa chaise. « Ne tardez pas trop à le consommer... A votre santé ! » dit-il avant de boire son verre d’une traite. Toutefois, son entrain disparut rapidement, quand il surprit ses convives renifler la liqueur. Dépité, il s’assit pour les observer. Avanna était intriguée par l’odeur de la boisson, parfumée comme un mystérieux bouquet de fleurs ; chaude, son parfum inspirait de douces pensées. Et quelque chose d’hypnotisant se dégageait de sa tiédeur. « Rien ne peut sentir aussi bon et être mauvais ! » songea-t-elle alors qu’elle succombait aux charmes des volutes blanches de son verre. Mais derrière eux, Ilim-Wàl émit un brusque grognement. Inquiets, les voyageurs se retournèrent pour le voir laper sa gamelle avec empressement. Finalement, le dragon releva la tête pour observer son maître, avant de se recoucher en ronflant paisiblement. Et voyant Avanna goûter à son verre, l'ébènien but le sien d’une traite également. Contrairement à ce que lui promettait son parfum, la boisson était insipide et sirupeuse. Elle excita légèrement sa gorge en descendant jusque dans son estomac. Le maître-au-dragon se sentit subitement léger et il lui sembla qu’un coup de vent aurait pu l’emporter. Toutefois l’atmosphère dans le chapiteau se mit à rayonner, et tout lui parut plus éclairé. Le roi des lutins souriait béatement… Dès l’instant où sa langue avait lapé le breuvage, la vision d’Avanna avait brutalement changé. Tout, devant elle, s’était effrité en une fine pluie de sable scintillant. Et seules persistaient, tenaces, les silhouettes pailletées de ses compagnons. Athis, quant à lui, tournait la tête de tous les côtés. La fine lame de Garouhane poussa soudainement un hurlement en sautant du banc. Le malheureux avait posé son regard sur son frère endormi sur la table, quand cette image avait envahi un millier de fois son esprit. Mais à cet instant, l'ébènien fut pris d’un violent hoquet, et ne perçut plus que des instantanés de la réalité. Ainsi vit-il en images saccadées, un lutin entrer sous la tente en courant le ventre en avant. « … altesse … problème … jonquelifér ... devriez … rendre … constater… des dégâts ? dit-il affolé à son roi. – ... bien il … que … soit notre … aujourd’hui, répondit alors le roi. … devoir … nous … fit ce dernier en sautant à terre. … Vous … buvez … saoul … quitter … clairière … son nez ! » cria-t-il en s’éloignant vers la sortie, accompagné de tous ses sujets. Dès lors, une ambiance suspecte régna sous le chapiteau. Le maître-au-dragon vit les flambeaux laper l’air comme des langues démoniques, et il devina une peur indicible, de celles qui précèdent les instants tragiques. Soudain, il eut un effroyable craquement… Quelque part sur Vétona, une sombre silhouette avançait d’un pas décidé dans l’une des rares grottes qui, depuis l’Alliance, avait subsisté. La longue et riche tunique pourpre qui l’habillait, jurait avec la rugosité et la brutalité des tons de la caverne. Point de visage sous son immense capuche, à l'instar de ses bras et ses mains invisibles sous ses larges manches. Outre les obscurités, il était un brouillard qui gravitait autour d'elle. Une nébuleuse vivante animée d’une volonté indépendante. La silhouette s’arrêta là où la lumière du soleil éclatait dans la grotte. Soudain, dans un « pop » retentissant, apparut devant elle un lutin coiffé d’un bonnet vert à trois pics. « Quel dommage que vous ne puissiez comme nous, profiter de ce beau temps, grinça Boniface en se dirigeant vers une table et deux bancs de pierre aménagés dans un coin sombre de la grotte. – On vient de m’informer de l’arrivée de nouveaux prisonniers, fit le sombre personnage en s’asseyant. – De nouveaux voyageurs, répondit Boniface en caressant son ventre. Une piètre apprentie sorcière, un Premier égaré sur notre île. Et un pathétique épéiste de cité jaloux d’un ébènien et de son monstrueux dragonnet. – Enfin…il s’est éveillé… songea l’autre dans le néant de son capuchon. A nouveau nos projets ont manqué d’être compromis par l’intrusion de groupes isolés ! reprocha-t-il ensuite au lutin. – Rien de tout cela ne serait arrivé, si vous nous aviez écouté, se défendit alors le roi Boniface. Vous auriez dû tester ces maléfices en des lieux plus éloignés. – Que cela ne se reproduise plus, répliqua le sombre personnage en se redressant. Sinon nous serons contraint de revoir nos engagements. – Revoir nos engagements ? Il nous semble que vous omettez un petit détail, répondit le petit être avec condescendance. Nous quittons vos sombres lieux, continua-t-il en ricanant. Les prisonniers sont maintenant sous votre responsabilité, il est dit ! » fit-il en se laissant glisser du banc. Ainsi, le roi Boniface prit congé, et disparut. Le mystérieux homme resta à côté du banc, jusqu’à ce que le départ du lutin finisse de se répercuter contre les parois de la grotte. Il s’enfonça ensuite vers ses recoins les plus sombres. Plus loin dans les ténèbres, il parvint bientôt à un escalier, taillé dans la roche, qui s’enfonçait au plus près du cœur du Monde. Plus tard, il atteignit une portion où ledit escalier faisait un palier avant de reprendre sa dénivellation sur sa droite. Ici, la majeure partie d’une cité ignorée des humains de la surface, s'offrit aux yeux de son sorcier. Jadis, il avait patiemment escaladé les strates inférieures des entrailles du Monde depuis qu’il avait passé la porte qui s’ouvrait sur les terres inhospitalières qu’un ciel rouge dominait. Peu l’avait explorée, et Thanatlòn était cette contrée qu’il avait quittée. Mais devant lui, l’empilement de tonnes de pierres en un titanesque imbroglio de constructions, écrasait par sa réalité toute reproduction imaginaire. Ainsi, il rentrait présentement d’un voyage qui l’avait éloigné des pierres immémoriales qui, des âges durant, l’avaient abrité. Et la volonté qui lui avait permis de vivre de si longues années allait enfin être récompensée par la concrétisation d’un projet sagement mené. « Bientôt, l’Œil Rouge du Dragon sera en notre possession», songea-t-il alors.
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  • Je souhaite partager avec vous mon premier roman. Si les elfes, orques, gobelins et autres vous sont familiers, sachez que ces derniers seront absents de l'aventure que je vous propose, en contre partie je vous réserve de belles surprises...
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