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L’Œil Rouge du Dragon
16 mars 2009

Chapitre II

Quand Athis, Avanna, Boucq-Meter et le Doyen rencontrent le dragonnet et l’ébènien. Ilim-Wàl dans le verger maudit. Vétona, immense île du Haut Monde, connue selon les âges sous l’appellation de Terre Boisée, et en ces temps particuliers sous le nom de l'Île-aux-sorciers, était située au sud du continent d’AeternTerra. Et les hommes de ces territoires peuplés qui redoutaient de naviguer, s’imaginaient que par-delà les mers connues, au nord-est de l’Île-aux-sorciers, se trouvaient les contrées des Enfants du Monde, les infinies Désolations. Car il est dit que ce fut de cet horizon que vint le premier dragon. Les légendes racontent également que ce fut sur cette terre émergée que l’Unique donna la parole au Premier Homme en lui enseignant les préceptes de l’Ordre. Afin de le remercier, le Premier invita le dragon à rester sur l’île si tel était son désir, et alla retrouver les siens pour leur transmettre le savoir qu’il venait d’acquérir. Cet épisode scella la Première Entente qui perdura de longues générations. Et l’Unique se plut sur Vétona, et fit venir les trois Dragons-sage, sa progéniture... Athis souffrait silencieusement sous la charge des fruits qui emplissaient les deux gros paniers qu’il portait à bout de bras. Ainsi il allait sur l’un des sentiers de la cité, son frère à ses côtés. Sans la moindre difficulté, Boucq-Meter, son frère, portait, d’une seule main, quatre de ces mêmes paniers, l’autre lui permettait d’en manger le contenu. Athis ne ressemblait pas à Boucq-Meter, ce dernier dépassait d’une bonne tête la stature de son frère, et sa carrure égalait deux fois celle d’un homme ordinaire. Mais voilà, Boucq-Meter n’était pas un homme ordinaire. Une trentaine d’années plus tôt, dans les bois au-delà des vergers, Bortòl, le père d’Athis, avait trouvé un enfant abandonné. Sous les conseils du Protecteur, l’homme l’éleva comme un fils, avec le soutien maternel de la jeune femme qu’il venait d’épouser. L’enfant grandit ainsi, heureux, dans une nouvelle et ordinaire famille, et s’épanouit comme l’un des arbres de Garouhane. Sa force devait bientôt dépasser celle de son père, et un soir il troubla maître An-Drena venu leur rendre visite, quand il s’exprima, sans jamais l’avoir étudiée, dans la langue de l’Unique. Lorsque Athis vint finalement au monde, jamais les deux enfants ne se séparèrent. Boucq-Meter protégeait Athis comme une mère, et Athis apprenait beaucoup de ce grand frère. Vint une année, à la période où les nuits grandissent, quand les arbres revêtent leurs parures d’ambre et d’or, Athis, âgé de sept printemps, s’amusait seul au-delà des murs quand une arakneïde vint l’attaquer. Véloce sur ses quatre pattes osseuses, elle avait saisi le jeune garçon dans ses deux paires de mains. La créature s’apprêtait à l’emporter quand, alerté par les cris de son fils, Bortòl se précipita armé de son épée. Mais l’arakneïde fut bien plus rapide que l’homme infortuné, et le blessa mortellement quand elle le coinça contre les murs de la cité. Et la dernière chose qu’il vit, fut ses trois yeux verts lorsqu’elle lui enfonça ses crocs dans la jugulaire. A ce moment, Boucq-Meter surgit, brandissant une terrible hache de guerre qu’il abattit sur son infâme buste de femme. Et l’arme fendit l’air avec une force si singulière que la créature fut rapidement terrassée. Plus tard, le corps et le visage de Boucq-Meter se couvrirent de poils blonds, et il devint évident pour tous les hommes de Garouhane qu'il était un Premier… A présent, Athis et Boucq-Meter se tenaient face à un arbre majestueux au tronc couvert de vigne rouge et vierge. La propriété était entourée d’une large parcelle gazonnée où des massifs de fleurs dessinaient d’harmonieuses arabesques colorées. Une clôture basse, blanche et semi-circulaire délimitait l’arrière du large jardin fleuri. Athis déposa ses deux paniers à terre, non sans un sentiment de libération, et sauta sur le palier sous lequel, les racines de la maison étaient couvertes de petits champignons blancs et phosphorescents, les seuls spécimens de toute la cité. Il allait pour frapper à la porte quand celle-ci s’ouvrit devant lui pour découvrir la silhouette d’une jeune femme vêtue d’un pantalon de cuir brun, sur lequel tombait une longue tunique ocre qui drapait son corps élancé comme une brindille. Des cheveux noirs, mi-longs, noués par un ruban vert, encadraient son visage au teint semblable aux plus délicates porcelaines. Toutefois, son regard émeraude rehaussé par de très longs cils noirs, était sévère. Mais à la vue d’Athis sur son palier, un sourire vint se lover au coin de ses lèvres roses, et illumina finalement son visage. « Par l’Ordre, comme tu sues ! lui fit-elle remarquer alors qu’il luisait de sueur. Où allez-vous ? demanda-t-elle finalement en regardant Boucq-Meter qui faisait des signes depuis le sentier. – Nous portons ces fruits chez le Doyen. Et puis je voudrais vous montrer quelque chose, depuis le rocher… Avant demain matin. – Alors, Avanna, tu viens ou pas ? » s’écria le colosse sur le sentier. La jeune femme referma la porte derrière elle, et rejoignit le Premier et son frère. Elle délesta Athis d’un panier malgré ses piètres réticences, et tous trois s’en allèrent sur l’un des chemins de terre de la cité, en direction de l’arbre du Doyen… Au pied de l’immense rocher qui coupait les fortifications de Garouhane, parmi d’épaisses fougères, sans se soucier des chardons violets et verts, Ilim-Wàl le dragonnet se reposait. Couvert de son aile, lové contre son flanc, son maître somnolait également. A présent le soleil rasait la cime des arbres de la forêt, et l’ombre cataclysmique du rocher s’étendait sur la cité. L’ébènien vint à s’éveiller finalement. Se redressant dans le désordre calcaire et végétal, il leva les yeux vers le sommet. Basth n’était pas réapparu, et il commençait à s’impatienter. Il fit signe à son dragonnet, et tous deux gravirent le rocher par l’accès qui donnait sur la cité. Parvenus à son extrémité, là où le vide soufflait dangereusement, le maître et sa bête purent embrasser du regard, un océan de verdure. Le moutonnement infini de la sylve, épaisse, animée d’une volonté ensorceleuse, exerça sur les deux compagnons une fascination irréductible. Au-dessus des arbres verts et sombres, le soleil était un disque orangé dans un ciel en feu. Plus haut, les lunes jumelles, quant à elles, blafardes et rondes étaient noyées dans le bleu. Un ravissement naturel illumina le visage de l’ébènien. Et le vent le drapait en charriant des torrents de parfums inconnus et agréables. Il écarta ses bras et offrit son corps au ciel et à la terre. « Nous les trouverons, Ilim-Wàl, je te le promets », dit-il à son dragon qui tournait précipitamment la tête en arrière. Au début de la plate-forme que formait le sommet du rocher, Ilim-Wàl vit venir à eux, un homme colossal affublé d’un pantalon mi-long et d’un veston caramel. Ses pieds étaient larges et forts dans ses bottes de cuir dur. Et ses mains qu’il avait passées dans sa large ceinture, semblaient démesurées. Derrière lui, un jeune homme vêtu comme un guerrier caressait le pommeau de son épée sans cesser de le fixer. Et ce ne fut que lorsque l’ébènien entendit les mots secrets fredonnés par la femme fragile au regard dur qui les accompagnait, qu’il se tourna enfin vers ce que son dragonnet observait… Ayant déposé leurs paniers au pied de l’arbre grotesque et nu du Doyen, Athis entraîna Avanna et son frère vers le rocher situé non loin de cette partie isolée de la cité. « Hier soir, j’étais là avec le Doyen quand ton père a envoyé son messager pour Malvigne, disait-il à Avanna en gravissant l’accès au sommet du rocher. La-bien-lotie se trouve derrière nous, n’est-ce pas ? Et bien malgré tout, hier soir j’ai vu l’oiseau parti… » mais Athis ne put terminer sa phrase. Ils arrivaient à la plate-forme du sommet quand ils surprirent à son extrémité, deux silhouettes qui se découpaient dans le flamboiement orangé du soleil couchant. Un étranger sombre comme les ombres et un infâme dragonnet acéré. Alors qu’ils s’avançaient subrepticement, Avanna avait déjà commencé à chanter l’un de ses sorts. À mesure que la distance s’amenuisait, Boucq-Meter devina plus précisément les traits du dragon qui le considérait avec un curieux étonnement dans l’intelligence de son regard. Et cela le rassura, étrangement, au contraire d’Athis qui tira son épée quand son maître se retourna, car ils réalisèrent seulement que l’étranger qui avait un dragon pour compagnon, était un ébènien. « Que veux-tu ? Qui es-tu ? » lui demanda Athis en pointant pourtant son arme vers l’affreuse bête. L’ébènien s’interposa rapidement entre son compagnon et l’épéiste. Et ceci eut pour effet de lui attirer toutes les hostilités. A présent, la pointe de l’épée d’Athis agaçait la peau entre ses côtes. Boucq-Meter et Avanna qui n’avait pas cessé de fredonner, restaient sur leur garde. L’ébènien sourit pourtant à celui qui le tenait en respect, et ne tenta pas de se rebeller. Devant l’attitude docile de l’étranger et la sérénité de sa créature, Boucq-Meter se décrispa et tira ses mains de sa ceinture pour croiser les bras. Avanna quant à elle, cessa son sort et observa le dragonnet qui restait sagement derrière les jambes de son maître. « Je suppose que ce n’est pas Basth qui vous envoie ? » demanda dans un sourire éclatant, l’homme noir qui se tenait au bout de l’épée d’Athis. La question désarçonna le jeune homme menaçant, et l’ébènien sentit le métal s’adoucir contre sa peau. « Basth ? répéta-t-il incrédule. Tu connais Basth ? – Je l’ai rencontré dans la clairière, quand Ilim-Wàl et moi sortions de terre, répondit l’ébènien en leur présentant son compagnon. Il devait me présenter le Doyen qui connaît toutes les histoires, et sait ce qu’il faut savoir. – Le Doyen ? » répéta Athis sans comprendre. Finalement, il rangea son épée, conscient à présent que certains éléments lui manquaient. Il regarda un moment le sombre étranger et sa créature hideuse. Bien que leurs attitudes prouvaient le contraire, quelque chose chez eux, demeurait suspect. Il ne pouvait croire qu’une bête à l’aspect si vil puisse s’allier à un être si peu ordinaire, et vivre dans la réalité qu’il connaissait. Et pourtant, son frère Boucq-Meter était un Premier, alors que le père d’Avanna était le Filleul de Fòwood, l’un des Fils des Dragons-sage. Mais il avait grandi avec ces légendes, elles étaient de celles qui le concernaient. Or, en ce jour commémoratif de l’Alliance, lui faisait face l’une de ces histoires terribles où l’Ordre et ses concepts étaient occultés, ignorés ; de celles que l’on aimait raconter les soirées d’hiver lors de frissonnantes veillées. Et l’une d’elles s’était matérialisée au sommet de ce rocher, en un homme grand et noir, un ébènien venu du Bas Du Monde, là où demeurent encore les Territoires Inexplorés. Comble de tout, un dragon à la face méprisante et cruelle, l’accompagnait quand bien même durant des âges aucunes de ces créatures n’avaient été revues sur la Terre Boisée, pas même avec l’un des sorciers. Observant son frère et Avanna, Athis constata, non sans surprise, que tous deux ne partageaient pas son désarroi et s’étaient rapidement fait à cette idée. Toutefois, était-ce étonnant de la part du dernier Premier de l’Île-aux-sorciers et d’une apprentie sorcière ? « Athis ! » Les deux syllabes résonnèrent depuis la clairière, et une voix harmonieuse enfla dans le vide qui enveloppait le sommet du rocher. Plus bas, Basth et le Doyen se tenait au pied de la pierre à la taille extraordinaire. Le vieil homme agitait sa canne pour inviter son protégé à le rejoindre sans tarder. Quand Ilim-Wàl vit le garçon au petit chien en compagnie du Doyen, il déploya subitement les ailes, et sauta dans le vide en planant au-dessus de la forêt. Devant Athis, Boucq-Meter et Avanna interdits, l’ébènien sauta à son tour, et attrapa au vol les pattes postérieures de son dragon qui le descendit en tournoyant vers le sol de la clairière. Emerveillé par la scène, Basth écarquillait encore les yeux quand l’ébènien et son dragon vinrent se poser près du Doyen. « En voilà une surprise ! se réjouit le vieux conteur en regardant le dragonnet. Serait-ce ce que tu voulais me montrer ? demanda-t-il à Basth. – Oui, répondit le garçon. Je les ai vu sortir de terre, de l’autre côté de la clairière. » L’ébènien, dressé devant le vieillard courbé, le détailla avec curiosité. Le vieil homme avait une physionomie surprenante pour ceux qui ne lui avaient jamais été présentés. Le teint et les formes froissées de son visage le faisaient paraître pour un vieux parchemin. Ses petits yeux plissés semblaient à deux traits tirés sur un papier jauni, et son nez s’apparentait à deux petites taches d’encre. Ses membres noueux qui dépassaient de son vêtement d’étoffes brumes, semblaient quant à eux, aux branches d’un arbre sec ou mort. « Ainsi vous êtes le Doyen ? – C’est bien cela maître », répondit le petit homme aux allures d’épouvantail. L’ébènien nota combien l’attention du vieil homme était focalisée sur son dragon. « Ilim-Wàl ? murmura ce dernier au dragon. – C’est bien cela, acquiesça en souriant l’ébènien. Vous n’êtes pas vous, n’est-ce pas ? » lui demanda-t-il ensuite de manière sibylline. Ce fut au tour du Doyen de sourire. Basth pressentit, à cet instant, qu’une intime connivence liait le vénérable conteur de leur cité, et le sombre étranger qui était sorti de la terre de la forêt. Mais déjà le valeureux Athis, la mystérieuse Avanna et le puissant Boucq-Meter se précipitaient dans leur direction. « Basth ! hurla Athis en colère. Tu le connais cet étranger ? – C’est pas ma faute ! se défendit le garçon. – Et on peut savoir ce que tu faisais dans la clairière ? » lui reprocha l’autre ensuite. A présent, Athis se tenait devant Basth, le regard sévère et noir. Avanna observait le Doyen qui observait le dragon, et Boucq-Meter souriait devant la colère feinte de son frère. Le Doyen se tourna finalement vers le petit maître au chiot. « Va donc mon enfant, lui conseilla-t-il alors. Tes cousins pourraient t’en vouloir. Mais garde le secret de cette journée, n’en parle à personne dans la cité. – A présent, rentre et va te laver. Je veux que tu sois bien propre au dîner, lui commanda Athis alors qu’il s’éloignait, Gardien sur ses talons. – Et préviens notre oncle que nous lui apportons des abricots ! lui cria Boucq-Meter moqueur. – Le vaurien ! Il n’est même pas un exemple pour son chien, fit Athis dépité en se tournant vers l’étranger. S’il lui était arrivé quoi ce soit dans cette maudite forêt... – Je n’ai fait qu’en sortir, lui répondit l’ébènien avec un large sourire. Je ne suis responsable de rien. – Ainsi vous vouliez me voir ? lui demanda le Doyen. – En effet, Basth m’a dit que vous pourriez me renseigner », répondit-il en baissant son regard sur le vieillard. Le Doyen leva vers l’ébènien un visage plissé de rides dans lequel ce dernier finit par deviner un sourire discret. Puis le conteur de Garouhane baissa les yeux sur le dragonnet dont la queue s’enroulait autour des jambes de son maître. « Ilim-Wàl… Oui…chuchota-t-il pour lui même, comme si l’évocation seule de ce nom, le commandait à agir. Athis, mon garçon, fit-il alors en se tournant vers les trois jeunes gens qui les observaient sans comprendre, tu devrais rentrer chez toi pour te reposer. Vous en avez assez fait pour la journée, leur dit-il en les congédiant gentiment par de brefs mouvements de canne. Avanna ! – Oui, Doyen ? – Demande à ton père de venir me trouver. » Sur quoi la jeune femme suivit les deux frères qui quittèrent la clairière non sans jeter quelques regards vers le Doyen et l’étranger restés en arrière. Dès lors qu’ils furent seuls, le vieil homme invita le maître-au-dragon à le suivre. Ils dépassèrent le terrible rocher et longèrent les hauts murs vers l’est de la cité. A présent le soleil était noyé dans la masse végétale, et apparaissait subrepticement en javelot de lumière entre d’innombrables arbres. La canopée était couverte par le dernier voile pourpre de la journée, et dans le ciel sombrement bleu, Mynia et Narya, rondes et blanches, étaient rejointes peu à peu par les étoiles. « Dites-moi maître, d’où venez-vous, vous et votre bête ? demanda le Doyen à l’ébènien au moment où ils bordaient un espace de la forêt nappé de brume éthérée. – Comme Basth vous l’a dit, nous sommes sortis de terre cet après-midi, répondit seulement l’étranger en regardant devant lui. – Oui…je comprends, je comprends », répéta pour lui même le conteur. Et sa voix extraordinaire résonna longuement entre la masse végétale et les fortifications de pierre. L’ébènien sourit. Ilim-Wàl courait devant lui dans l’herbe humide de la clairière. Son corps glissait sur la rosée, libre d’exprimer les moindres subtilités de sa puissance et de son agilité. Un frisson parcourut le corps de son maître, et finit par illuminer son visage d’un large sourire. « Où allez-vous ? l’interrogea alors le Doyen en levant vers lui un regard suspicieux. – Je sais à quoi vous pensez, vieil homme, répondit l’autre dans un sourire franc. Mais je vais là où mes songes me mènent, et cela vous ne pouvez me le reprocher, n’est-ce pas ? lui demanda-t-il en le gratifiant d’une oeillade. Le Doyen finit par sourire à son tour, et opina de la tête. Il regarda longuement l’ébènien qui observait son dragon, et fut curieusement troublé par ce qu’il vit dans ses yeux. Pourtant, quand son attention se tourna finalement vers la bête, un voile vint, malgré lui, assombrir les rides de son front. « Que voulez-vous savoir ? demanda-t-il finalement au maître-au-dragon. – L’histoire de cette terre, celle de cette cité. Je veux tout savoir. – Voici un vœu louable, oui… approuva le Doyen avec sérieux. Mais pourquoi ? – Je dois voyager… – Oui…je vois, je vois. Mais savez-vous où aller ? » A cet instant le maître-au-dragon baissa son regard vers le vieillard courbé. Une fois encore, il le gratifia d’un sourire franc qui fit reluire ses dents. « Je sais ce que je dois trouver, lui répondit-il dans une nouvelle oeillade. – Je m’en doutais, bien sûr… Et vous êtes étranger à cela, n’est-ce pas ? » demanda finalement le Doyen en désignant une parcelle dégagée au détour des hauts murs. L’espace formait une gigantesque percée rectangulaire dans la noirceur de la forêt. De petits arbres aux troncs minces et torturés y avaient poussés en allées droites et artificielles. Ainsi, le Doyen et l’étranger faisaient face à l’un des vergers de la cité. Et le vent ne soufflait plus entre les arbres immobiles comme terrorisés. L’atmosphère s’était soudainement rafraîchie, comme une morsure macabre chargée d’horreur oppressante et palpable. Et cependant qu’ils se rapprochaient, l’ébènien constata l’affreuse vérité. Les arbres fruitiers chéris des hommes de la cité, avaient muté jusqu’à devenir l’image infâme d’une décadence végétale. Et leurs branches tombaient sur les troncs comme une chevelure noire et abjecte. Les troncs eux-mêmes, suaient une humeur jaunâtre et épaisse. A leurs pieds, un monticule terreux purulent de saignées bouillonnantes, parachevait l’abominable vision. Mais l’odeur qui planait au-dessus du jardin maudit était d’une autre réalité. Et alors rien ne lui parut plus détestable quand elle parvint finalement à l’ébènien. Mais le vent ne soufflait plus entre les arbres immobiles comme terrorisés. Toutefois, il se sentit sale, une sensation monstrueuse qui commençait à le dévorer tandis qu’il observait Ilim-Wàl folâtrer entre les allées corrompues du verger…
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  • Je souhaite partager avec vous mon premier roman. Si les elfes, orques, gobelins et autres vous sont familiers, sachez que ces derniers seront absents de l'aventure que je vous propose, en contre partie je vous réserve de belles surprises...
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